TVA 2025 : Bercy anticipe un manque d’environ 10 milliards
Mauvaise surprise pour les comptes de l’Etat. En préparant les comptes annuels, le ministère de l’Economie a constaté qu’environ 10 milliards d’euros pourraient manquer sur les recettes de TVA prévues pour 2025. Le chiffre final peut encore varier légèrement d’ici la fin décembre, mais à un mois de l’echeance la direction est claire : les prévisions de Bercy se sont révélées largement optimistes.
Reconnaissance officielle et contexte
Devant la Commission des finances du Senat, Amelie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a qualifie la situation de « preoccupante ». C’est la troisieme annee consecuvie avec une surestimation importante de la TVA, selon des parlementaires et anciens rapporteurs du budget.
Pourquoi ces milliards s’evaporent-ils ?
Plusieurs explications sont avancees par les experts et l’administration :
- Des facteurs conjoncturels difficiles a predire : tensions politiques, risques de guerre, crise ecologique… Autant d’elements qui peuvent peser sur le moral des menages et freiner la consommation, principale source de TVA.
- Des biais de mesurage sur les importations par colis – notamment de plateformes comme Shein et Temu – accuse Bercy : une valeur declaree inferieure a la valeur reelle peut reduire la TVA recouvrable.
- Une fraude a la consommation que le ministere estime a au moins 1 milliard d’euros.
Le poids des chiffres
La TVA represente environ 37 % des recettes fiscales de la France et depasse largement 200 milliards d’euros par an. Par ailleurs, la consommation des menages contribue fortement a la croissance. A ces niveaux, une variation de quelques pourcents suffit pour generer un ecart de plusieurs milliards. Selon Bercy, 10 milliards d’erreur correspondent a moins de 5 % d’ecart sur ces recettes totales.
Optimisme politique et limites des modeles
Des economistes pointent aussi un optimisme recurrent dans les previsons publiques. Anne-Sophie Alsif, cheffe economique au BIPE, estime qu’il etait possible de faire mieux. Dominique Plihon souligne que les politiques ont tendance a surestimer la croissance et la consommation pour presenter des budgets plus equilibres. Par ailleurs, les effets des politiques d’austerite sont parfois sous-estimes : reductions d’allocations ou baisse de prises en charge peuvent deprimere l’activite et la consommation.
Des modeles trop automatiques depuis le Covid
Les modeles de prevision reposaient traditionnellement sur une logique simple : stimuler la demande, c’est augmenter la consommation et donc la TVA. Ce raisonnement a fonctionne jusqu’au Covid, mais il montre aujourd’hui ses limites. Avant la pandemie, certains dispositifs etaient tres ciblés sur les menages a faibles revenus, qui depensent immediatement l’aide. Depuis, les mesures sont plus generalisees et une partie importante des soutiens est epargnee, ce qui n’engendre pas de recettes de TVA.
Exemple cite : la derniere indexation des retraites a coute 25 milliards d’euros, dont environ 19 milliards ont ete epargnes, soit 75 % du montant, selon des estimations. Sur l’ensemble de 2025, la consommation des menages devrait n’augmenter que de 0,5 %, contre 1 % en 2024.
Suite et perspectives
Face a ces ecarts, Amelie de Montchalin a annonce le 13 novembre une « mission d’urgence » au sein de Bercy pour revoir les methodes de prevision. Les conclusions sont attendues en 2026. D’ici la, l’administration devra ajuster ses modeles et tenir compte de changements de comportement comme l’augmentation de l’epargne et les biais lies aux importations par colis.
En attendant, le manquement attendu sur la TVA pose une interrogation sur la fiabilite des estimations budgetaires et sur les marges d’ajustement disponibles pour l’Etat.




