Découverts bancaires : quand la facilité devient une nécessité pour des milliers de Français

Découverts bancaires : quand la facilité devient une nécessité pour des milliers de Français

12 novembre 2025

Découverts bancaires : quand la facilité devient une nécessité pour des milliers de Français

De nombreux Français vivent chaque mois dans le rouge et dépendent du découvert autorisé pour payer leurs dépenses courantes. Ces situations, souvent durables, génèrent stress et précarite et interrogent sur la place du découvert dans la gestion quotidienne des ménages.

Une fausse alerte réglementaire et une réalité persistante

La diffusion d’informations affirmant une  » interdiction prochaine  » des découverts bancaires a suscité des inquiétudes. En réalité, aucune interdiction n’est prévue. Il s’agit de l’application d’une nouvelle reglementation europeenne qui, des novembre 2026, exigera un controle de la solvabilite pour l’octroi d’autorisations de decouvert de 200 euros ou moins et d’une duree inferieure a un mois. Cette regle ne concernera pas les clients disposant deja d’une autorisation en place avant cette date.

Des parcours marqués par la dependence au decouvert

Isabelle, 58 ans, fonctionnaire territoriale, raconte que ses difficultees ont commence apres la mort de son epoux en 2000. Mere seule, elle a contracte des credits a la consommation dont les mensualites pèsent encore sur son budget. Sa banque lui accorde aujourd’hui une autorisation de decouvert de 900 euros. Pour rester quasi-systematiquement en negatif, elle paye des agios tous les trois mois, entre 15 et 30 euros.

Pour ne pas depasser son plafond et subir des commissions d’intervention, elle controle chaque depense via une application, refuse souvent les sorties avec ses collegues et garde ces difficultes pour elle. « Si on me retirait le decouvert autorise, ca serait la catastrophe », confie-t-elle.

Thierry, 61 ans, habite en Savoie. Atteint d’un rhumatisme psoriasique, il vit avec environ 1 300 euros par mois de pension et complement d’invalidite. Son autorisation de decouvert est de 800 euros et il regle chaque mois 5 a 10 euros a la banque. Sans epargne, chaque aléa creuse davantage le decouvert. Il a recu des denrees de la Banque alimentaire pendant un an; depuis la fin du dispositif, il compte les portions et demande parfois de l’aide a sa fille, meme pour acheter de la nourriture pour son chat. Pour lui, il ne s’agit pas d’un credit pour des extras: « je fais un credit pour survivre. »

Stéphanie, 37 ans, assistante maternelle, gagne 1 600 euros nets par mois. Avec un mari controlleur de trains et trois enfants, elle dispose d’une autorisation de decouvert de 1 000 euros qu’elle utilise presque tous les mois et pour laquelle elle paye une cotisation mensuelle de 35 euros. Leur loyer de 1 300 euros pèse fortement sur le budget du foyer et les tensions financieres provoquent des disputes conjugales. Elle decrit aussi le rejet social: etre accuse de mal gerer son argent alors qu’elle renonce aux loisirs et aux vacances.

Chiffres et analyses

  • 31% des Francais sont a decouvert au moins une fois par an, et environ 8% le sont tous les mois, selon un sondage MoneyVox publie en aout.
  • Selon 60 Millions de consommateurs (2017), les frais lies aux incidents de fonctionnement representeraient 30 a 35% du chiffre d’affaires des banques de detail.

La sociologue Jeanne Lazarus, chercheuse au CNRS et professeure a Sciences Po, souligne l’ambivalence du decouvert: perce pour beaucoup comme une « petite aide en fin de mois », il coute de l’argent et peut, s’il n’est pas maitrise, contribuer a une baisse des revenus et du stress economique durable. La prochaine reglementation vise a rapprocher les regles des decouverts de celles des credits a la consommation pour mieux proteger contre le risque de surendettement, mais elle pose aussi la question de l’acces a un instrument de gestion vital pour certains.

Dependance, honte et fragilite sociale

Au-dela des chiffres, ces temoignages revelent une dependence vis-a-vis d’un dispositif que les personnes ne controlent pas totalement. Thierry exprime la peur que les banques durcissent leurs modalites: « Si demain les banques changent, je suis a la rue. » Cette angoisse est partagee par d’autres qui voient dans le decouvert une condition de survie et non un luxe.

Les portraits d’Isabelle, Thierry et Stephanie mettent en evidence des trajectoires differentes mais une meme realite: pour certains menages precaires, le decouvert n’est pas une facilité ponctuelle mais un outil indispensable, avec un cout et des consequences sociales et psychologiques.

Les prenoms ont ete changes.

Auteur
Henri
Rédacteur invité expert tech.

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